Les cheveux clairs
Les yeux sombres comme une nuit d'orage
Ses propres cris, assourdissants, résonnent dans son crâne.
A ses pieds, ses larmes, les chairs molles de son âme, collantes, sanglantes, spasmodiquement, gisent.
Ses hurlements se répercutent froidement contre les portes closes des coeurs indistincts qui l'entourent, l'évitent, se ferment.
Il veut dire qu'il sait
Que chaque larme est un remord
Il sait
Que sur sa forme inconsistante nul regard ne peut décemment se poser.
Il erre
Le vent froid, les visages morts
Les aboiements des chiens au loin,
Les terrains vagues, les journaux déchirés qui crissent et roulent au sol,
Et les pelures d'orange souillées
Le silence irraisonné, le vide sans échos,
sont son lot.
Il pleure mais déjà,
Le lit tortueux du torrent de ses larmes s'est asséché
Et ne reste dans son regard qu'une indicible terreur
Drapée d'indifférence.
Les tôles rouillées des entrepôts délabrés le narguent
Quelles sordides histoires se sont déroulées en ces lieux où nulle flamme ne brûle?
Quel guêpier l'y attend qui inexorablement l'aimante?
Ferme les yeux,
Offre ton corps
Fixe le prix que tu veux.
Allongée sur le sol d'un immeuble déserté, l'ombre dort
Dans ses joues creuses des tranchées
Creusées par on ne sait quel terrifiant acide.
Il grelotte, sa crasse,
Pour épaisse qu'elle soit
Laisse passer par les accrocs de ses fripes
Un funeste déluge.
Ses bras, son corps
Ne demandent avec une réminiscente tendresse
Qu'un simple enlacement...
Une créature assoiffée cherche ce soir
Sa première victime de la nuit
Ce cou le tente!
Mugit-il.
En un éclair il fond sur sa proie et l'enveloppe de ses bras.
C'est l'ombre qui l'a séduit
Et qui maintenant
Logée contre son coeur,
S'accroche à sa nuque.
Ses yeux s'entrouvrent
Ses longs cils poussiéreux laissent apparaître en ombres chinoises
Deux somptueuses iris.
Ses lèvres gercées s'écartent
Et de sa gorge jaillit en un infâme gargouillement
Un appel à l'aide
Qui sonne comme une déclaration d'amour
Déjà le vampire
Veut voir son visage
Déjà, avide, il veut sentir son corps.
Ravi et curieux
Il l'emmène avec lui
Et le laisse reposer
Dans la chaleur de son antre.
Doucement il le lave
Aussi doucement qu'il le regarde
Et pourtant ses yeux ne sont que deux pierres mortes
Deux onyx sans pitié.
Il le savoure délicatement
Comme il le ramène à la vie
Il le caresse et ses gestes
Façonnent à nouveau le corps disparu de l'ombre
Par ses caresses il renaît
Par son désir il recouvre l'envie
Et lorsqu'il redevient le beau garçon à la chevelure pâle et aux yeux de tonnerre du passé
Alors le vampire
Avec délectation
Boit à même sa gorge son essence savoureuse
Et au bout de leurs jouissances
Les yeux dans les yeux, l'âme de sa proie, intense,
Lentement s'évapore.
Et ne subsiste dans l'air
Et dans le coeur du suceur de sang
Qu'un râle de désespoir, infiniment.
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