dimanche 13 août 2023

 Dans le vide rien ne prend forme

Quelqu'un, repeupler reremplir mon monde que je puisse y pleurer

Y souffrir

Expurger

Je suis dans l'informe

Le coeur informe

Circonscrit enserré par des poumons et une cage thoracique intangibles insubstantiels informes

Je me meurs je me vide à petits filets comme un flacon d'encre ou de peinture renversé

En silence dans mon coin à l'insu

Dans le vide on s'épand on se vide et sa mince substance rejoint se mue en vide


Je suis triste c'est tout.

mardi 5 juin 2018

Connectique

   J’ai,
en tissant mes doigts
confectionné un tricot à la maille intriquée
où mon cœur s’est mis
et ma tête a chanté
pour noyer toutes les voix
en tissant mes doigts j’ai
cassé mes ongles adieu défenses
muré mon ombre
qui me trahissait
j’ai
en ne parlant pas en disant autre chose
à côté de la vérité
par manque de mots
et manque de foi
et aussi en n’écrivant pas
de peur d’être fausse
par manque de mots
maladresses et intentions biaisées
comblé le vide laissé par quelqu’un
qui n'existait pas
creux dans l'air
menacée d’implosion lente
bouche close cousues mes lèvres
fait-on je ou les autres jamais autre chose ?
j’ai acquiescé
résignée mais vaillante
avec les autres, j'ai dit oui :
moi, vivante, c’est ainsi : jamais je n’existerai
que parcellaire entremêlée à d’autres taches de lumière ou de suie
poignées de poussière et débris
morceaux pulsants mi-moi mi- l’univers
mi- vomie
mi- rêvée
c’est comme ça, qu'y faire? … Oh,
bonjour.
oh ! mais c’est vous, bien sûr, c’est vous 
six mois, un an, dix ans, trente ans
qu’on ne se connaît pas !
et comme vous m’êtes chère.
on le sait sans appel, on continue pourtant
à chercher la bonne direction
vers laquelle tendre son cœur
à l’affût d’âmes sœurs 
nous qui aimerons toujours
jamais qu’à côté
dans les interstices 
entre les êtres
dans les désirs et les peurs et les histoires
entre les vérités
dans cette communauté de solitudes lancinantes
qui tapent et haïssent
comme on donne de violents coups de rame
pour ne pas s’enfoncer dans les sables mouvants aux abords d’une île inconnue
et se rapprocher davantage du milieu de la rivière
de la barque de celui
beau, familier, riche des images dont on le couvre
qui nous accompagnait,
dans cette communauté donc,
oscillante et chuintante
d'êtres emmurés dans leur chair,
comment être seule?
comment ne pas l'être?
le tricot de mes doigts
le vacarme de nos voix
je ne suis pas ici.
il faut tenir bon, bien s'enfouir
allons courage!
c'est l'affaire de quelques décennies,
à peine.

dimanche 4 mars 2018

Dis-moi d’me l’ver

Dis-moi d’me l’ver
J’suis en enfer
Monde à l’envers
Pareil
Mais bleu
Pareil
Mais creux
Dis-moi d’me l’ver
Mon chat, dis-le
Toute seule j’peux pas
Toute seule j’peux pas
Si j’bouge un doigt
Tout peut s’briser
Sans qu’ça se voit
Le cœur enfui
Le jour fini
Et comme témoin
Y aurait que moi
Dis-moi d’me l’ver
C’est pas si grave
C’est pas la mort
De vivre comme ça
Jusqu’à la mort
C’est pire ailleurs
Bien pire ailleurs
Ici c’est doux
C’est gris mais doux
On ne brûle pas
On ne hurle pas
Juste on s’efface
Dis-moi d’me l’ver
Mon chat, dis-moi
J’peux pas rester
Couchée comme ça
Un gouffre discret
Un deuil secret
Personne me voit
J’suis en papier
Recto y’a rien
Verso y’a rien
C’est juste tout plat.

Dis-moi d’me l’ver !
J’peux pas le croire
qu’il y a que ça
C’est p’têtre absurde
Cette toute p’tite vie
Mais c’est pas ça !
Y’a autre chose
Des pierres des roses
La mer les bois…
Dis-moi d’me l’ver !
Y’a le soleil et y’a le ciel
Et des p’tits doigts
Pour se toucher se rassurer communiquer
Y’a pas que ça
Mon canapé
Mes noires idées
Ma solitude
...
Dis-moi d’me l’ver
Ou j’reste comme ça

vendredi 16 février 2018

Une chose est certaine:

les choses d'importance
perdent toute importance
en l'absence d'un cœur 
pour leur en donner

et les choses douloureuses 
cessent soudain de l'être 
s'il n'est plus une âme
pour les ressentir.

C'est inéluctable.

Dès lors,

si elles dorment d'un profond sommeil 
et que, toute entière,
je m'endors aussi,

elles ne manqueront plus à personne 
ces choses
ces toutes petites choses
qui se sont enfuies.

mercredi 27 mai 2015

dans la forêt inextricable

(...En se heurtant nos deux cœurs
tels des pierres à feu se seraient embrasés...)

Finalement, je rêve aussi de ça...        
Une rencontre, une convergence qui m’éveille et me donne sens
quelque chose qui m’emplisse et me fasse scintiller en chœur avec un(e) autre

et à mesure que n’advient pas, hé bien, l’amour, 
de passion transcendante où le désespoir à son zénith se mue soudain en or

se racornit mon être, chacune de mes fibres de mes lambeaux de peau des pétales desséchés
les vertèbres ployantes se hérissant d'épines qui ne blessent que moi

Désirante, arc-boutée d’impulsions violentes jusqu'à m'en fissurer
et pourtant immobile telle une fleur,
indifférente, inconséquente, frivole
plantée là dans l'attente
l'attente d'être cueillie

dans l’ombre dissimulée,
ébouriffée d'épines
aiguës et suppurantes.

mardi 27 janvier 2015

Histoire de la chatte échaudée

Que vais-je vous raconter?
Toujours la même histoire.
Celle d’une chatte déglinguée
qui a peur qu’on l’échaude
et fuit tous les points d’eau

La moindre goutte l'atteint
la minette fait scandale
saute et geint, gémit, s’arrache le poil
enfin, un vrai spectacle
qui exaspère les mâles

On la tance de guerre lasse :
« Mais ma petite chérie
n’avez donc aucun cuir?
À quoi sert votre pelage
que tant faites 
reluire ? »

« Il sert à la caresse »
répond la bête naïve,
« et à frémir au vent
satinée et vivante
douce comme un matin blanc »

« Pouah à votre vanité ! »
lance un chat méprisant.
« Sachez pourtant, Matou,
que ma précieuse fourrure
plaît fort à mes amants.

Que j’aime ceux-ci puissants
capables de m’abriter
de la moindre gouttelette
afin que sereinement
je vaque à ma toilette »

« Charmante fragilité.
Vous êtes sûrement de celles
qui prétendent pourtant
comme celles de leurs époux
à d’égales gamelles 


Et le mal qu’ils se donnent
les dangers les querelles
sans que ça vous chiffonne
est sans façons réduit
aux mêmes
 bagatelles.

…Enfin, ne vous déplaise
cette phobie de l’eau
que vous entretenez tant
à nous en rendre fous
d’où vous arrive-t-elle? »

« Elle me vient des brimades
répétées chaque jour, années après années
par des chats tout comme vous. »
jette la chatte irritée
à l’insistant minou.

À deux pas d'une flaque
le chat veut protester
mais les mots ne viennent pas.

La minette s’en détourne
court se mettre à l'abri
derrière un plus gros chat.

Marcescible

Vois-tu,
qu’il n’y ait pas de méprise,
je suis toujours celle qui agit dans la brume et mugit en vain dans l’eau blême du marais
quoique je me flétrisse avant même d’avoir pu étirer jusqu'au bout mes pétales infinis
je suis toujours celle qui du bout des doigts effleure au hasard des êtres et des objets aux formes illisibles
qui sent les uns palpiter à la pointe des dents et les autres s'égailler
je suis toujours celle qui entend venir en retard le danger
alors que nos peaux sont si proches qu’il en émane déjà une tiédeur commune
et qui quand foudroyée demeure tétanisée recroquevillée brûlée tandis que vous courez
les yeux droits devant vous le cœur bien à l'abri dans la plus haute tour des tours de vos châteaux
puis sereins contemplez l’horizon là où la mer de mes larmes disparaît dans le sang
que projette en tout point en sombrant le soleil
et mon âme tapissée d’inflorescences en cendres
et tout autour mon corps
mon corps, mon corps, mon corps,
racorni et ployé aux particules rancies.

samedi 22 novembre 2014

ésthétique de l'écorchée

Il y a...
de l’ambiguité dans la pluie

Un instant fraiche, vivifiante puis vous inonde et fait horreur,
à peine à l'intérieur se débarrasser des vêtements trempés de pluie
et sécher ce corps trempé de pluie
frictionnée, stimuler la circulation du sang,
un geste vivifiant si on l’interrompt à temps avant
d'emporter quelques lambeaux de peau dans la serviette en coton

Alors inspirer profondément mais pas au point de suffoquer,
un acte vivifiant qui affûte vos sens et un instant vous rend plus charnelle
l’effleurement d’un courant d’air
croise momentanément sur votre peau
l’afflux de chaleur du radiateur

Chaleur douce, délicat courant d’air
après la pluie battante et le corps éponge

Et puis entortillée dans un peignoir moelleux,
danser, esquisser du moins quelques pas
et garder en lisière de l’esprit
la pensée de spectateurs imaginaires aux yeux brûlants,
jamais plus qu’en lisière pour rester libre
libre de ses mouvements de femme seule,
d'être seul dans un espace brièvement désert


L’Autre, l’Envahisseur, ailleurs et nous
dansant à la fois seule et s’échauffant à la pensée du regard ambivalent,
à la fois prédateur et absent de l’autre l’être
au désir sans équivoque s’attisant de ce qu’il perçoit
quand nous nous embrasons de ce que nous percevons du désir de l'autre
– l'excitation boomerang, la sexualité de l’écho

Narcisses mais l’eau dans laquelle on se mire
cette eau rêvée n’est pas tranquille
sa conscience dans nos érotismes est magma
il y a des intermédiaires à notre sexualité,
nous sommes des princesses nous sommes des cygnes nous sommes des anges
mais sans couronnes mais sans ailes mais sans elles et sans soies
défendues pourtant de toucher terre

Amputées de notre féline convoitise de notre férocité ardente et sale,
amputées, amputées
à force de regarder ailleurs à force de nier avec véhémence
ce qui de nous résiste au carcan de l’éternel féminin

Concessions cruelles faites au cours d’âpres négociations
dont nous avons oublié le commencement
longtemps ont-elles duré, bien longtemps

Mais elles sont finies nous sommes femmes,
nous sommes femmes et elles n’ont plus lieu d’être

Belles et bien femmes épanouies telles des roses,
de si jolies roses
revêtant les atours de la vie

Quand jour après jour en cachette après la pluie nous dansons et rêvons
et baignons nos diaphanes pétales dans nos menstrues et autres hémorragies internes
élixirs mystérieux grâce auxquels jour après jour
nous nous hissons en souriant sur le piédestal

Nos railleries notre intransigeance à l’égard de nos sœurs
détournent l’attention de notre propre et perpétuel échec
de nos destinées de Sisyphes

De la douleur


De la rage.