S’ouvrir les veines et en voir s’écouler le sang
Le regarder teindre ma peau, s’imprimer sur ma rétine
L’image du rouge, liquide plus précieux que tous les rubis du monde
Je suis nue, Amour, et plus rien ne me retient
Le néant glisse sur moi comme un linceul sur un cadavre.
Vaste et profond vide, je plonge
Mes yeux s’accrochent encore une dernière fois aux étoiles
Mes mains se tendent devant moi comme un ultime appel à l’aide
Mais aucune autre main ne me répond
Les couleurs s’évanouissent, le toucher n’est plus et je ne sens plus rien
Mes pensées disparaissent et laissent la place à ce qui n’est pas
Mais le sang s’écoule toujours et semble flotter dans l’air
Des couleurs qui subsistent et moi j’ai toujours mal
La fragrance suave et chargée de mon hémoglobine monte à mes narines tel un doux parfum
Elle glisse et caresse ma peau, un délicat toucher mouillé et presque érotique
Je veux goûter et sentir sa saveur irradier mon palais
Pourtant le rien m’envahit et ma vue se trouble
Tout n’est qu’illusion et bientôt ma seule réalité est ce sang
Sang qui me macule et qui est mon ultime étincelle de conscience
Sang qui sonne l’heure de ma mort aussi inexorablement que la pluie tombe
Sang, signature en bonne et due forme en bas à droite de ma vie
Ces quelques mots d’adieux, mon Ange…
Ces quelques mots que je veux goûter
Savourer, boire salement et m’en lécher les lèvres
Aspirer et imaginer ma bouche, déjà si pâle, illuminée par ce délicieux liquide
Les mots s’écoulent de moi comme l’eau verte d’une fontaine oubliée
Mousse, insectes et fissures sont ses seules parures
Seulement, saignante, moi je suis sensuelle
Je me verrais bien danser arrosée par les gouttes incarnates jaillissant de mes poignets
Les Africaines dansent bien sous la pluie, elles.
Mais dans cette danse je perds pied, les mots s’envolent et les étoiles s’effacent
Ne restent plus que le sang et ce vide qui me glace
Caresses, gémissements, la véritable hémophile c’est moi
S’étant toujours interrogé à propos de mes préférences
Il n’y a plus à se perdre en étranges conjonctures
La mienne, c’est le sang.
Aimer exagérément le sang, c’est comme se pencher un peu trop au-dessus du vide
Il nous attire et nous perd
Je le lèche, qui ruisselle et parsème mon corps de mille gouttes,
Je ne suis plus que cet épiderme sur lequel il coule
A trop vouloir, je suis tombée, et le précipice m’entraîne
Oh mon Dieu, c’est un abîme.
Mes propres hurlements résonnent à mes oreilles.
Tu arriveras bientôt et tu me trouveras, je serai morte
Blanche, et éclaboussée par la plus pure des drogues.
Mort qui me prend, même la saveur du sang disparaît de ma bouche et la sensation du liquide sur mon corps
Je n’ai plus de bouche, plus de corps
Juste un gigantesque vide que je perçois pour la dernière fois
« Mon amour... »
soupir ultime.
-Rideau-
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