lundi 10 octobre 2011

Loghorroea

Ce matin je me suis réveillée la terreur me nouait le ventre; le soleil en abondance réchauffait d'ocres et d'orangés les moindres recoins de ma chambre; Il n'y avait aucune raison à ma terreur.

Mon image dans le miroir avait un air de stupidité

J'avais peur seule dans ma chambre qui n'était pas à moi, du moins, toute familiarité d'hier encore m'avait désertée et j'étais seule, seule dans ma chambre, noyée de soleils qui n'étaient pas de ma laiteuse galaxie, pas d'ici, enfin, de là.

Inconnue dans ma chambre étrangère grande comme rien de ce que j'avais jamais vu – c'est à dire pas si vaste, mais vaste bien autrement que les habituelles choses vastes, j'étouffais du trop plein d'air, et mes yeux hagards parcouraient les murs en quête d'une porte de chez moi, mais la seule porte présente n'était point d'ici, enfin, de là. Et j'étais prisonnière, sans crimes de moi connus, sans geôlier – enfin aucun qui ne parlât ma langue – et s'esquissait en mon esprit l'idée de demander pour quoi, mais ma langue, ma langue n'était pas à moi non plus, ma langue m'était aliénée et me baragouinait un impossible charabia qui m'inspirait la plus grande méfiance et beaucoup de honte.

Émerger de ses rêves au beau milieu d'un autre monde, c'était une histoire qui n'avait ni queue ni tête, ou peut-être que si et en trop grand nombre si cette histoire était une histoire monstrueuse, une sale histoire qui m'engloutirait sans faim dans son ventre empli de vide, vide dans les spirales intestinales, et des échappatoires impensables.

Et je me disais, c'est peut-être riche en enseignement d'être engloutie à l'infini jusqu'à oser penser à l'impensable, mais voilà, cela me donne le tournis, si quelqu'un pouvait arrêter le manège et la musique?

Quelqu'un?

Mais personne n'a répondu et j'étais bien seule avec mon esprit au trois quarts aliéné, qui refusait de ne compter que sur cet être avec si peu de ressources, ce petit quart subsistant de moi tout vaseux depuis ce matin.

Et j'errai longuement sans bouger de mon lit, les trois quarts aliénés bataillant entre eux et le petit dernier chuchotant un peu à regret les solutions pour s'échapper, mais en l'absence de réalité, ça n'était pas très réaliste, et les autres s'en moquaient, et la peur frémissait de peur, et l'inquiétude s'inquiétait de trop, et tout cela tirait des rideaux de sarcasmes et de complaintes sur soi pour se cacher un peu mais qui peut vraiment se cacher de soi-même, s'exclamait la honte, pour le coup très excitée? Se perdre oui, trop volontiers, mais se cacher?

Les gouttes de rosée sur ma fenêtre, scindaient en mille couleurs les rayons de soleil, on ne savait plus ce qu'était l'ocre ni l'orangé alors que naguère nous n'imaginions pas que de telles choses puissent s'oublier.

Les plus violents efforts pour atteindre la gueule du monstre ne nous donnait l'impression que d'une très lente progression où nous chutions sans cesse. Il nous fallait lutter contre le courant et surtout lutter contre la tentation de s'y abandonner, un dilemme propice à la stagnation: toucher le fond pour mieux rebondir ou remonter dès à présent à la force des bras?

J'étais en le monstre, mais le monstre, je le sentais bien, était aussi en moi, et peut-être était-il plus en moi que je n'étais en lui et peut-être n'était-il pas si grand, et peut-être n'existait-il pas vraiment, enfin seulement dans ma tête et seulement à cause de moi.

Toujours est-il qu'il me parlait, enfin, me harcelait de questions, de réflexions et il ne semblait point aimer ce que je lui rétorquais pour me défendre, ou peut-être qu'il ne comprenait pas parce qu'il lui fallait trop de queues et trop de têtes aux réponses pour qu'elles lui soient audibles, et que cela le mettait hors de lui, alors il me ballotait tant et plus et sans nulle délicatesse.

Ou peut-être qu'il n'en fallait pas. Je lui demandais: « Laisse-moi sortir et arrête de marcher aussi vite! » et il me répondait « Ne compte pas sur moi ». « Mais c'est à cause de toi que je n'y arrive pas, car tu vas trop vite et puis tu marches en zigzags! » Cela le faisait rire; « Baisse donc les yeux! » Je baissais les yeux et dans mes mains, des manettes et l'histoire monstrueuse par moi et moi seule menée. « Mais ça n'est possible, et pas voulu! Et puis injuste! » les manettes disparaissaient (ou bien je ne les regardais plus). J'appelais de mes voeux la police, un juge, un arbitre, mais sans succès; il n'y avait que les trois quarts d'esprit brinquebalants non loin pour se donner des airs d'autorité.

.... Enfin, au final, je m'en suis sortie, mais je ne me souviens plus comment.

« A la prochaine! » m'a lancé le monstre tandis que ma chambre reprenait son aspect familier. « Ne compte pas sur moi pour revenir! » ai-je crié les mains en porte-voix.

 « Tu reviens toujours! »

« Tu dis n'importe quoi, je n'étais jamais, jamais, jamais venue. Peut-être avais-je vu d'autres monstres, dans d'autres chambres à moi qui cessaient de m'appartenir sur des coups de tête, mais je peux t'assurer qu'aucun n'était toi. »

« C'est TOUJOURS, TOUJOURS, TOUJOURS moi »

Mais cela ne m'intéressait déjà plus et j'écoutais à peine, louvoyant adroitement avec la terreur de mon premier réveil qui tentait pour quelque raison absurde de ressurgir

et je sortais de ma chambre pleine de la tranquillité d'esprit qui accompagne

la sensation d'une
adéquation retrouvée.

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